21.1.11

Demi-dieu, demi-deuil



quitter encore.
je me rappelle cette citation tant usée "Quand tu aimes, il faut partir". c'est exactement cela : j'aime, je pars, contre et suivant ma volonté, les deux, en demi teinte.
il déteste dire au revoir et je suis une madeleine. nous nous décidons pour un mi-parcours. il m'accompagne jusqu'à Saint Pierre et je pleure à peine.
je prends le tram, direction Grâce de Dieu, ça arrive tout de même à me faire rire. franchement.
puis le train. un énième train en fraude alors que je sais qu'un bon paquet d'amendes attendent régularisation dans le tri lettres, sur mon bureau, à Paris.
ça attendra une autre grâce, présidentielle, celle-la, si cela existe encore.

Caen - Paris, direct.
départ 18h58.
on peut clairement dire que j'ai vraiment quitté Paris en septembre, peut-être même en août.
quitter Paris pour la province, cela fait crever de rire tous mes amis connaissant mes snobismes, mes manières, mes vestes impossibles et mes bottines impeccables.
d'autant plus quand je raconte que lorsqu'il neigeait tant, de Cherbourg à Caen, j'ai porté des Docs, mais vernies, s'il-vous-plaît. Stendhal et Genet dans la poche du manteau me sauvaient de cet écart.
bouées de sauvetage.
autant le dire, là bas, la littérature, tout le monde s'en tape, sauf peut-être pour l'apparat ou au mieux, l'à côté.
à côté de la musique.
à côté des Beaux Arts.
les lettreuses formées à Paris VIII, ça ne court pas les rues ivres de nuit. en revanche, les musiciens, ça se ramasse à la pelle. musiciens et beausardeux, comme mon amoureux. très bon mélange, finalement.

tout de même, Caen, ville aux 100 clochers, ville aux 100 libraires.
des bouquinistes pour la plupart.
je fais mes dévotions.
et vraiment, oui vraiment, c'est décidé, nous installons notre amour qui dure à Caen.

pendant un mois, nous avons habité une tour du XVIII ème siècle. pierre blanche, escalier qui tourne, tourne jusqu'à nos derniers étages. l'amour sous les toits, des poutres de chêne sombre.
dans le salon au canapé rouge, des instruments de musique partout ; un clavier, un violon, sa guitare, d'autres guitares, les amplis, le mélodica et j'en passe. il faut prendre l'escalier de bois pour me trouver, dans la chambre au milieu des livres et des carnets. une cache, le vélux qui ouvre sur le ciel percé de flèches ouvragées.
cet appartement, c'est celui de P. P est l'âme de Caen, ou presque.
depuis lui, de chez lui, nous rencontrons tous ceux qui en valent la peine.
inestimable P.
énergie brute, pure folie.
je me nourris.
tout cela m'a tant donné.
ces derniers mois, en errance.
l'amour, la misère, l'imagination de chaque jour pour continuer.
rendre chaque jour le suivant possible.
tous les possibles.

ici, depuis Paris cadavre, mort lente patrimoniale et très estimable, j'enrage très fermement de louper le concert de La Terre Tremble de vendredi.
mais il fallait revenir. il fallait partir.
l'inéluctable.

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