1.2.11

combien on aime ?

le hasard des discussions me fait renouer avec cela : ce que fut pour moi cette période où j'étais inscrite sur les sites de rencontre, non pas simplement comme aujourd'hui : pour publier des commentaires et discuter légèrement (parce que PCC est aussi un site communautaire), mais bien pour rencontrer des types.

ce moment-là de mon existence était un naufrage. je ne me sortais pas d'une histoire qui était devenue obsessionnelle, je portais maintes casseroles et cherchais plus à sortir de moi qu'à faire une véritable rencontre. clairement, j'étais célibataire, mais je n'étais pas disponible.
j'avais quelques amants réguliers : relations ambiguës entre l'amitié et le sexe, ententes de peau et d'intellect. et autour, quantité de rencontres d'un soir ou deux, des lits que je quittais en pleine nuit dès l'autre assoupi, des histoires avortées d'avance sur le cadavre desquelles je cherchais à jouir.

depuis aujourd'hui et l'actuelle histoire d'amour avec V., tout cela me semble bien lointain. mais j'y ai tant appris sur moi, sur les autres que je puis en parler encore et tirer quelques leçons ou du moins, des constats.

en bas d'un commentaire, avec Lindomptable, nous parlions de l'importance que peut avoir l'argent pour certains et certaines lorsqu'ils se mettent en devoir de rencontrer l'amour. et il est vrai, qu'hors le poncif qui consiste à dire que les sites sont des supermarchés de la rencontre, on remarque rapidement que le niveau de vie est aussi le lieu d'une séduction, voire un point essentiel de la quête amoureuse.

comme je le répondais à Chassal en bas de ce même commentaire, évidemment, personne n'ambitionne de vivre étouffé par des problèmes d'argent. mais j'aime à croire que l'amour se fiche des contingences matérielles et peut tout, même les dépasser. l'amour, c'est la rareté, l'exception, l'inestimable, ce n'est pas comptable.
pour ma part, l'argent est une chose à laquelle je n'accorde que peu d'importance. déjà au quotidien, je ne sais pas y penser. je n'y pense que lorsque le distributeur me dit "opération refusée". et encore, je ne me morfonds pas. je grogne tout au plus un "fait chier" et me débrouille pour améliorer l'ordinaire à court ou long terme.

pendant cette période où j'ai rencontré beaucoup d'hommes où je les écoutais, j'ai pu noter une première chose, c'est l'importance de cette question et de la réponse fournie : "qu'est-ce que tu fais dans la vie". le fait que la plupart du temps je réponde "je ne fais rien" poussait l'autre à m'interroger sur mes revenus, mes moyens de subsistance. très rares étaient ceux qui riaient et passaient à autre chose. ce qui d'ailleurs aurait été le plus logique étant donné la nature sexuelle des rencontres.
aussi, j'ai pu remarquer, que quantité d'hommes, pour se rendre séduisants, éprouvaient le besoin de parler de leurs possessions, de leur réussite sociale actuelle ou à venir. et pour certains, mon statut d'artisto-lettreuse, pauvre par négligence, était une séduction, un avatar charmant de la femme au foyer. du moins, si j'avais accepté de me reproduire et d'élever les enfants, ils n'auraient vu aucun inconvénient à m'entretenir.
avec d'autres, cela me valait maintes remontrances : il était tout à fait inconscient, immature à notre époque inquiète de se moquer de cette question. et pour eux, l'amour ne pouvait s'établir sans un certain confort financier auquel les deux conjoints devaient participer. parce qu'évidemment, le seul lieu de la réalisation de soi est le travail. et si l'on ne pense pas en ces termes, c'est que l'on est dénué d'ambition. c'est mal !

mais cette attitude n'est pas du seul fait des hommes. des amis, des copains, inscrits eux aussi sur tel ou te site m'ont raconté de tristes déconvenues. je me souviens particulièrement de S., passant des mois lumineux avec une jeune femme rencontrée sur Meetic qui fut finalement quitté, parce qu'il ne gagnait pas d'argent avec son activité artistique et avait à côté des revenus trop chiches pour que la jeune femme se sente en sécurité. elle s'est séparée de lui en disant qu'elle l'aimait, mais que cependant, cette vie à compter le moindre sous lui était insupportable. aussi, qu'elle n'arriverait pas à le considérer comme un homme bien et digne de ce nom, s'il lui fallait l'entretenir ne serait-ce que quelque temps. il en fut abasourdi.

peut-être est-ce un fait d'époque de crise, peut-être est-ce le paiement de l'abonnement sur le site qui attend un retour sur investissement et contamine la nature des relations attendues. je n'ai pas de réponse, du moins, pas de réponse générale. mais je vois dans cette attitude comme une triste perte d'une croyance en l'amour, en ce qu'il a d'absolu. une certaine frilosité qui me peine.

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